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COMME UNE APPROPRIATION DANS L'AIR

Comme des Garçons s'est excusé d'avoir habillé les têtes de ses mannequins blancs de perruques à tresses collées durant le dernier défilé Homme de Paris. La déclaration intervient après que l'enseigne japonaise, alors accusée d'appropriation culturelle, ait suscité de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux. Edito.


Comme des Garçons s'est excusé d'avoir habillé ses mannequins blancs de perruques à tresses collées durant le dernier défilé Homme de Paris. La déclaration intervient après que la marque de vêtements japonaise, alors accusée d'appropriation culturelle, ait suscité de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux. Petit édito. / Melissa N'Dila, Topwalk Magazine 2020
Comme des Garçons ©DR

Comment est-ce encore possible en 2020 ? A l'heure où la culture africaine et son histoire tendent d'avantage à être écoutées et valorisées, certains confondent encore reconnaissance ethnique et tendance mode. Ce 17 janvier dernier, Comme des Garçons faisait défiler ses mannequins pour la nouvelle saison de prêt-à-porter masculine. Pendant que d'autres marques ont su tirer leur épingle du jeu par des tenues créatives et souvent pleines de sens, l'enseigne japonaise a de son côté, manifestement décidé d'attirer l'attention en empruntant le chemin du bad buzz : des perruques à tresses nattées ont servi de puérils accessoires chapeautant les têtes de ses modèles.


L'hommage en alibi


Diet Prada a été le premier à lancer l'alerte. Sur Instagram, le très suivi justicier anti-plagiat notait après le défilé que : "La marque japonaise avant-garde coiffe ses mannequins blancs de perruques à tresses nattées. Une discussion a propos des cheveux des femmes noires et de l'appropriation culturelle qui en est faite semble nécessaire."


De là, des milliers d'autres comptes, tant sur la plateforme que sur Twitter se sont insurgés. L'incident a attiré toutes les critiques, même celles de la part de professionnels de la mode, notamment au vue de l'incident lui-même, mais surtout par rapport à la réponse de l''enseigne en question, publiée le lendemain dans le site internet du magazine Dazed :


"L'inspiration pour les coiffures du défilé Comme des Garçons pour hommes automne-hiver 2020-2021 s'inspirait du look des princes égyptiens. Nous n'avons jamais eu l'intention de manquer de respect ou de blesser qui que ce soit - nous nous excusons profondément et sincèrement pour tous les dommages que ce défilé a pu causer".

Être noir(e) n'est pas une tendance


Le coiffeur responsable des perruques se nomme Julien d'Ys. Il s'est également rendu sur Instagram afin de s'excuser : "Il s'agissait d'un look que je trouve vraiment magnifique et inspirant, se justifie-il. Mon regard était un hommage. Je n'ai jamais eu l'intention de blesser ou d'offenser qui que ce soit, jamais. Si je l'ai fait, je m'en excuse profondément."


Il est surprenant que l'élite de la mode ne soit toujours pas éduquée sur la question de l'appropriation culturelle. Malgré les excuses du coiffeur et de la marque, ces derniers n'ont pas semblé avoir compris pourquoi ce choix capillaire confondu en accessoire à l'aspect vraisemblablement bas-de-gamme était un réel problème.


Lorsque Julien d'Ys attribue son inspiration à l'Égypte ancienne, celui-ci se fourvoie. La technique de tressage utilisée se révèle en réalité inspirée des Peuls d'Afrique de l'Ouest. Plus encore, quand bien même il aurait voulu faire référence aux princes égyptiens, aucun lien à cette époque n'a pourtant été fait dans les vêtements de la collection. Les excuses ont ainsi sonné faux et créé un véritable rat de marré sur la Toile : "Comme des Garçons, vous êtes sérieux là?", "Et ainsi continue de prospérer l'appropriation culturelle", "On le sait, ils le font pour créer le buzz. C'est décevant", peut-on lire sur Twitter.

Petit topo


L'appropriation par Comme des Garçons des coiffures d'un peuple traditionnel africain participe sans équivoque à cette part ignorante, mais nonobstant majeure, de l'industrie de la mode. Encore aujourd'hui, elle parvient à placer la culture noire comme un simple outil servant à embellir les styles caucasiens. Mais rappelons-le : être noir n'est pas une tendance. Encore moins un déguisement, voire une expérience. Vouloir arborer les attraits de la femme noire, sans en vivre les méandres qu'elle peut vivre dans son quotidien, n'est en aucun cas un hommage. Elle ne fait au contraire que tourner la culture africaine en dérision.


Combien de fois faudra-t-il l'expliquer ?


Melissa N'Dila

 

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